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La confrérie des 10001 pages
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24 août 2009

Sylviane Agacinski, Corps en miettes, lu par Bruno

Éd. Flammarion, 134 p.

Ce court essai est une pièce supplémentaire à mettre dans le dossier portant sur la bioéthique, sujet d'actualité puisque les Assises de la Bioéthique se tiendront en France à partir de septembre 2009. Sylviane Agacinski, philosophe et sociologue très en vue, aborde dans ce livre le problème des mères porteuses. L'auteur s'attaque principalement à de prétendus arguments dans l'utilisation des mères porteuses, moyen supplémentaire dans l'arsenal "thérapeuthique" contre l'infertilité. Les mères porteuses étant autorisées dans quelques pays (pas si nombreux que cela en vérité, certains comme l'Allemagne interdisant même les dons de gamètes), certains se demandent si cette méthode n'est pas inéluctable. Position que rejette Sylviane Agacinski qui encourage au contraire à la mise en place de barrières éthiques et morales contre cette négation de l'intégrité du corps de la femme. Cet essai pose les jalons de questions capitales :  les mères porteuses ne sont-elles pas une nouvelle étape dans la marchandisation du corps humain ? La maternité est-elle si anodine qu'elle puisse être en quelque sorte "louée" à une tierce personne ? Peut-on réellement parler de la liberté d'utiliser son corps si l'argent entre en ligne de compte ? Ou, pour le dire autrement, où est la liberté lorsque la pauvreté ne vous laisse pas d'autre choix que de monayer le seul bien qui vous reste - votre corps ? Sylviane Agacinski ouvre nombre de jalons (morales, éthiques, juridiques, sociales) pour réfléchir ; ce qui ne l'empêche pas de cacher son sentiment profond sur ce problème des mères porteuses. Une phrase, non dénuée d'espoir mérite d'être citée : "Non, la France n'est pas en retard , elle est en avance sur la protection, par la loi, de la dignité des personnes et de leur corps." A lire pour vous aider à vous forger une opinion.

Total des livres lus par Bruno à cette date : 8 606 pages

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Commentaires
T
autoriser les mères porteuses, c'est engendrer bien plus de problèmes que l'on n'en résout. posant ainsi de graves problèmes éthiques, juridiques, sociaux dévoilés dans cet ouvrage. la technique devient progrès que lorsque celle-ci est au service de l'homme et non l'inverse : c'est pour cela que la technique ne doit aller au-delà d'un certain cadre moral.
C
Ce livre calomnie la gestation pour autrui et apparaît comme un florilège d’omissions, de réalités mises « en pièces » et… de déni. Dès l’introduction, le ton est donné par la citation du livre « Baby business », de Deborah Spar présentée comme une pointure sur le sujet et dont la conclusion serait que les corps de pauvres femmes seraient exploités par l’industrie biotechnique. Dès lors, la tentation est grande de passer directement à cet ouvrage cité, car quel serait l’intérêt de lire un recueil de lieux communs, qui plus est de seconde main ? Question inutile dans les faits, car le livre de D. Spar, professeur d’économie et non de sociologie, développe une toute autre thèse. Dans les affaires de parenté, D. Spar argumente qu'il est temps de reconnaître la vérité commerciale au sujet de la reproduction et d'établir des normes qui régissent ses transactions. Des histoires fascinantes illustrent le fonctionnement intérieur des segments de ce marché : recherche sur les cellules souches, dons de gamètes, gestation et procréation pour autrui, diagnostic préimplantatoire, adoption, et clonage humain, et servent de base à un inventaire des défis moraux et législatifs que notre société va devoir traiter. En résumé, il n’y a rien dans le livre de D. Spar pour alimenter la thèse d’une nouvelle lutte des classes entre mères porteuses en détresse et riches couples corrupteurs comme voudrait nous le faire croire S. Agacinski. En une centaine de pages, par une association de clichés sans lien logique, S.A. tente de justifier bien laborieusement sa thèse a posteriori. A tel point qu’il devient moins pénible de commencer la lecture par la fin pour tenter d’y comprendre quelque chose.<br /> <br /> Elle nous explique ainsi qu’une femme qui donne la vie comme une machine à fabriquer les enfants subit une des pires formes d’aliénation. Difficile de comprendre le sens d’une telle déclaration car soyons humbles : personne ne donne la vie, on ne fait que la transmettre. Ensuite, l’infertilité ne serait pas une pathologie et il n’y aurait que des ignorants pour croire que l’on peut soigner une personne en utilisant les organes d’une autre (expression répétée jusqu’à la nausée pour tenter de susciter des peurs chez les biens pensants). L’infertilité est en fait reconnue par l’OMS comme une pathologie et le texte fondateur de l’OMS ne parle pas seulement de soigner des pathologies, mais aussi de « bien-être ». Par ailleurs, la médecine a besoin souvent du corps d’autrui pour soigner : sang, organes, moelle, urines (pour fabriquer certains médicaments), mais aussi pour fabriquer des vaccins ou pour tester des médicaments. Surtout, cette tirade sur l’instrumentalisation d’autrui et le dévoiement de la médecine pour des pratiques qui ne soignent pas des pathologies rappelle l’argumentaire des extrémistes religieux (« l’IVG et la contraception ne sont pas des pratiques médicales car la grossesse n’est pas une pathologie. »).<br /> <br /> Mais il est vrai qu’en matière de dogme S. Agacinski ne s’embarrasse pas trop de la réalité, qu’elle met en pièces, et préfère le domaine des mots. Selon elle, Gestation pour autrui serait la dernière imposture verbale du lobby de l’industrie biotechnique pour faire disparaître du champ de vision la femme dont on utilise les organes. Faut-il rappeler que les termes de gestation pour autrui et procréation pour autrui ont été introduits par un rapport commandé il y a vingt ans par Michel Rocard et repris dans le texte des lois de bioéthique de 1994 dans les articles qui ont organisé la prohibition de ces pratiques ? Un lobby qui prêterait le flanc à l’interdiction de son marché « voyou » (expression que l’on retrouve dans presque toutes les pages), lobby déjà taxé de « proxénète » et « d’esclavagiste » serait-il donc purement masochiste ?<br /> <br /> Précisons que la procréation pour autrui (mères porteuses par insémination) qui se pratique en dehors du corps médical, -au contraire de la FIV, nécessaire dans la gestation pour autrui-, a toujours été critiquée par ce même corps médical. Une exploration historique des déclarations du Pr Frydman à la fin des années 80 (« ces personnes n’ont pas besoin de la médecine, leur seul problème est qu’elles refusent les relations sexuelles ») rappelle que nombre de médecins de la reproduction assistée de l’époque ont vu dans les mères porteuses une concurrence artisanale déloyale. En effet, à l’époque où les débuts de la FIV se caractérisaient par des coûts très élevés et des taux de réussite très bas, l’insémination artificielle bricolée à la maison offrait un rapport qualité / prix incomparable. Ceci explique sans doute l’acharnement du même Dr Frydman à continuer aujourd’hui d’amalgamer procréation pour autrui et gestation pour autrui sous le vocable de mères porteuses et de faire alliance avec S. Agacinski pour les vouer aux gémonies. Le fait que le Dr Frydman soit un leader -certes contesté- de l’industrie biotechnique vilipendée par S. Agacinski peut faire s’interroger quant aux intérêts en jeu.<br /> <br /> <br /> Mais qu’en est-il de « l’exploitation » de ces femmes (porteuses) qui seraient « noires, pauvres et en faiblesse psychologique », ce qui serait la seule explication sensée au fait qu’elles fabriquent des enfants sur commande ! Pourtant, l’étude de Betsy Aigen sur les gestatrices (la pire insulte faite aux femmes selon S. Agacinski qui n’a pourtant jamais cherché à rencontrer aucune d’elles) montre que 71 % d’entre elles ont en réalité un travail, qu’elles sont très majoritairement blanches, catholiques ou protestantes, et que leur revenu professionnel est en moyenne de 24 000 US $. Mais cela ne semble pas effleurer la philosophe, qui se contente d’aligner des poncifs. Et pour cause, la description traumatisante qu’elle fait de la grossesse, nous interpelle sur son vécu personnel. Du coup, comment croire son affirmation sur la grossesse, qui serait « la période la plus importante pour l’épanouissement de l’enfant » ? De plus, l’hypothèse des liens tissés in utero avec l’enfant n’a jamais été confirmée cliniquement, bien au contraire, comme l’a analysé l’anthropologue Arthur P. Wolf. Une femme qui ressent de l’affection pour l’enfant qu’elle porte n’entre pas obligatoirement dans une relation mère/enfant et comme le dit Elisabeth Badinter « l’instinct maternel n’existe pas ».<br /> <br /> Revenons à la lutte des classes matinée de féminisme victimaire prônée par S.Agacinski. Les femmes porteuses, qui ne touchent rien en dehors du remboursement de leurs frais liés à la grossesse ne pourraient pas être considérées comme faisant un don altruiste, car selon S. Agacinski, prêter son corps à autrui n’est pas un don mais une aliénation. Et de nous citer Maurice Godelier, selon une définition surréaliste du don qui n’a rien à voir avec ce qu’explique cet anthropologue, par ailleurs favorable depuis longtemps à la légalisation de la gestation pour autrui au titre du don comme on peut le lire dans ses livres (« L’énigme du don », « Métamorphoses de la parenté ») et ses déclarations. Le revoilà de nouveau instrumentalisé quelques pages plus loin pour nous montrer toute la souffrance des enfants de la mère porteuse qui vont avoir peur toute leur vie d’être vendus à leur tour à un autre couple. Une fois de plus, il vaut mieux s’en tenir à la version originale. C'est-à-dire à la mention par M. Godelier des analyses de Héléna Ragone faites à la fin des années 80 lorsque que les pratiques de procréation pour autrui et les tous débuts de la gestation pour autrui n’étaient pas encadrés par des lois spécifiques, mais par celles de l’adoption. Ce qui faisait que la mère porteuse accouchait et s’occupait du bébé pendant quelques jours avant que l’adoption soit prononcée. Une situation de confusion des rôles qui n’existe plus depuis longtemps grâce aux propositions faites entre autres par H. Ragone : les parents intentionnels sont présents à l’accouchement et sont responsables de l’enfant dès sa naissance, comme d’ailleurs le veulent toutes les formes actuelles de protocole médical spécifiques à ces formes d’AMP.<br /> <br /> Mais justement, qu’en est-il des lois ? S. Agacinski nous relate l’affaire Baby M qui aurait suscité une réprobation universelle, à commencer par les féministes américains. Car pour faire un enfant, écrit-elle, il faut une femme, et de tout temps, l’homme aurait inventé des outils pour contourner ce fait et s’approprier les enfants : mariage, contraception, avortement, et maintenant mères porteuses. S’il est vrai que cette affaire de procréation pour autrui a déclenché une panique morale de 1986 à 1988 aux USA, fortement alimentée par l’alliance d’un mouvement féministe et des fondamentalistes religieux, l’histoire ne s’est pas arrêtée là. En 1993, l’affaire Johnson vs Calvert a lancé un débat national, mais cette fois ci au sujet de la gestation pour autrui. Et c’est un autre courant féministe qui s’est imposé. Et que l’on retrouve dans le jugement. Comment expliquer que ce jugement, qui a mis un terme aux débats conflictuels aux USA et a servi de base législative à la majorité des lois dans le monde encadrant la gestation pour autrui ait échappé à S. Agacinski ? <br /> <br /> Quelle que soit la motivation de ses écrits, il est certain que ce livre n’apporte aucune voie progressiste pour remédier à l’infertilité et aux questions attenantes, que ce soit pour les hommes ou les femmes. Mais si vous aimez la lecture des faits divers, la théorie du complot ou « Les Protocoles des Sages de Sion », ce livre est pour vous.
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