Raoul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, lu par Bruno

Trois tomes, Éd. Folio, 2200 p.

La Shoah est certes propice à d'innombrables commentaires philosophiques et moraux. Il n'en en reste pas moins qu'il s'agit avant tout d'un événement historique capital dans l'histoire de l'humanité. L'auteur, qui a pourtant été témoin en tant que soldat américain juif  pendant la seconde guerre mondiale, a choisi de traiter ce sujet comme n'importe quel sujet historique : avec précision et en utilisant une masse d'informations scientifiques exceptionnelle. Cet ouvrage de Raoul Hilberg, qu'il n'a pas cessé de travailler pendant plus de 30 ans (non sans avoir été refusé au début par de nombreux éditeurs et aussi par la très influente intellectuelle  Hannah Arendt !) est sans nul doute l'étude définitive sur l'extermination des Juifs durant la seconde guerre mondiale. L'un des mérites de ce grand classique est de faire une étude méticuleuse, pour ne pas dire froide et clinique, de la grande entreprise criminelle nazie qui envoya à la mort environ 6 millions de Juifs. Les trois tomes de cet essai sont articulés ainsi : le premier volume retrace l'origine de l'antisémitisme en Allemagne, la définition du statut juif puis les premières mesures contre eux (isolements, expropriations et paupérisations). Suit une partie terrible sur les grands massacres juifs en Europe orientale après la déclaration de guerre allemande contre l'URSS en 1941. Le deuxième tome est exclusivement consacré à la politique de déportations des Juifs en Europe de 1940 à 1945. Hilberg décrit pays par pays les grandes phases de  cette chasse impitoyable qui va cependant prendre des aspects bien différents selon les pays : la Pologne sera saignée à blanc tout comme l'Allemagne let es Pays-Bas alors que le Danemark, s'appuyant sur une solidarité sans faille permettra de sauver quasiment la population juive dans son entier en organisant son sauvetage vers la Norvège, pays neutre. Hilberg s'intéresse à quelques pays particuliers : la France, en pleine politique de collaboration, va se montrer tour à tour complice, louvoyante puis réticente à la déportation de ses Juifs. Elle va préférer sacrifier des dizaines de milliers de Juifs réfugiés chez elle à la faveur de la guerre plutôt que de s'attaquer aux Juifs français, ce qu'elle fera malgré tout. Des pays vont se montrer particulièrement zélés dans cette politique de déportation : la Serbie, la Roumanie, la Grèce puis la Hongrie à partir de 1944. Le troisième tome est enfin consacré à ce que l'auteur appelle "les centres abattage" que sont les camps d'extermination. L'auteur montre que lorsqu'Aushwitz, Treblinka ou Chelmno furent créés, la mécanique de la Shoah était déjà en place. Hilberg consacre finalement un nombre de pages relativement réduit aux camps de la mort. Ce troisième volume est surtout consacré aux conséquences de la Shoah : les statistiques des victimes, les procès des Nazis, l'immigration juive après 1945 et les conséquences morales. Hilberg s'arrête également sur des aspects importants de ces années terribles : les réactions des victimes et des bourreaux, les complicités ou le refus cynique des Alliés de s'engager dans le sauvetage des Juifs. Cet essai brillant est vraiment à lire.          

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